Fugues récurrentes et ancrage à la rue

Dans certains cas, les fugues se répètent en dépit de tous nos efforts. Les réflexions cliniques et les actions concertées entre partenaires se multiplient. Et malgré les solutions novatrices que nous mettons en place ainsi que les changements notables que nous apportons à notre manière de traiter ses fugues, le jeune continue de fuguer. Alors que ces fugueur·euse·s récurrent·e·s ne forment qu’une minorité, ils et elles nous préoccupent énormément et demandent beaucoup d’énergie et de temps. Ce type de situation peut susciter toutes sortes de réactions chez nous, et l’impuissance peut souvent nous habiter au quotidien.

À force de fuguer, le jeune finit par concevoir la fugue comme la principale manière de répondre à ses besoins ou de réaliser ses aspirations les plus chères. Plus elles sont fréquentes, mieux elles s’organisent et plus le réseau de pairs se développe. Ces facteurs combinés favorisent l’ancrage à la rue, c’est-à-dire que le jeune développe un sentiment d’appartenance à ce mode de vie et s’y sent bien. Au fil du temps, nos pratiques d’intervention deviennent de moins en moins efficaces, car le sens de la fugue tend à être plus diffus pour le jeune. En effet, sa fugue finit par signifier diverses choses, selon les gens à qui le message s’adresse. C’est le retour dans le milieu d’origine qui entraîne une rupture pour le jeune.

Intervenants - Les fugues récurrentes et l’ancrage à la rue
Intervenants - Fugues récurrentes et ancrage à la rue

Il devient alors crucial de reconnaître davantage les rôles positifs que joue la fugue dans la vie de ces jeunes sur les plans de leur autonomie, de leur responsabilisation et de leur débrouillardise, en plus de leur permettre d’explorer diverses habiletés sociales telles que l’entraide. Ces jeunes exigent souvent que nous nous surpassions et que nous sortions des sentiers battus lorsque nous cherchons, avec eux, des solutions novatrices pour les raccrocher à un projet de vie stimulant qui répond vraiment à leurs besoins. Dans de tels cas, l’approche de réduction des méfaits gagne vraiment à être mise de l’avant.

Même si ce qui est mis en place pour le jeune à ce stade-ci ne nous permet pas tout à fait de remplir nos mandats respectifs, il est rassurant de se rappeler que cela pourra grandement l’aider à plus long terme. Les fugueur·euse·s chroniques côtoient fréquemment l’itinérance ou la rue une fois la majorité atteinte. Les soutenir malgré tout, pendant leur fugue et dans leurs choix étonnants, nous offre l’occasion de les outiller pour la suite des choses, alors que leur vie ne fait que commencer.